
St-Just et St-Pasteur de Narbonne
"La forteresse gothique inachevée du Midi"
Présentation générale
La cathédrale Saint-Just et Saint-Pasteur de Narbonne est l’un des monuments gothiques les plus spectaculaires du sud de la France. Édifiée à partir de 1272, elle fut conçue pour rivaliser avec les grandes cathédrales du nord, et affirmer la puissance de l’archevêché narbonnais, alors l’un des plus influents du royaume. Sa voûte de chœur, culminant à 41 mètres, est l’une des plus hautes de France, témoignage d’une ambition architecturale rare en Languedoc. Pourtant, comme Beauvais, elle n’a jamais été achevée : seule la partie orientale fut construite. L’absence de nef, due à des contraintes militaires et économiques, lui donne aujourd’hui une silhouette singulière.
Dimensions et architecture
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Hauteur de la voûte du chœur : 41 mètres
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Largeur du chœur : 14 mètres
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Longueur actuelle : environ 40 mètres
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Largeur totale avec déambulatoire : 34 mètres
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Nombre de chapelles rayonnantes : 9
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Matériau principal : calcaire blond local
L’édifice suit le modèle du gothique rayonnant du nord de la France, mais adapté au climat et à la tradition méridionale : murs plus épais, contreforts plus massifs, peu de sculptures extérieures, mais un jeu de lumière puissant grâce aux hautes verrières. L’élévation intérieure du chœur comporte trois niveaux : grandes arcades élancées, triforium ajouré et fenêtres hautes garnies de vitraux. Les arcs-boutants, larges et saillants, supportent l’immense poussée de la voûte. Le déambulatoire contourne le chœur et dessert neuf chapelles rayonnantes, dotées de leur propre identité stylistique et décorative.
Histoire de la construction
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1268 : Narbonne devient archevêché métropolitain, renforçant son prestige.
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1272 : L’archevêque Maurin lance la construction d’un chœur monumental pour remplacer l’ancienne cathédrale romane.
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1290-1340 : Édification du chœur, du déambulatoire et des chapelles rayonnantes. Les vitraux sont posés avant la consécration partielle.
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1340 : La guerre de Cent Ans, la peste noire et les tensions avec l’Aragon freinent brutalement les travaux.
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XVe-XVIe siècles : Achèvement du cloître, aménagements intérieurs et ajouts de retables gothiques et baroques.
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XIXe siècle : Restaurations menées par Viollet-le-Duc et ses disciples, consolidation des arcs-boutants et réfection de certaines verrières.
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XXe-XXIe siècles : Campagnes régulières de restauration, mise en valeur touristique et culturelle.
Éléments remarquables
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Le chœur gothique : Chef-d’œuvre du gothique rayonnant, il impressionne par sa verticalité et la pureté de ses lignes. Les voûtes d’ogives à 41 mètres reposent sur des colonnes fasciculées, soulignant l’élan vers le ciel.
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Les vitraux médiévaux : Verrières hautes du XIVe siècle représentant scènes bibliques, figures de saints et motifs floraux, d’une luminosité exceptionnelle sous le soleil méditerranéen.
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Les chapelles rayonnantes :
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Chapelle Saint-Sébastien : retable baroque à colonnes torsadées.
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Chapelle Saint-Michel : fresques médiévales fragmentaires.
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Chapelle Notre-Dame-de-Bethléem : vitraux modernes inspirés de l’art médiéval.
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Le cloître : Bâti entre le XIVe et le XVIe siècle, il mêle élégance gothique et premiers accents Renaissance. Il donne accès à l’ancien palais archiépiscopal.
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Le grand orgue : Imposant instrument installé sur une tribune au-dessus de l’entrée ouest du chœur, reconstruit et agrandi au XIXe siècle.
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Les arcs-boutants massifs : Énormes structures extérieures qui confèrent à l’édifice une allure défensive, presque militaire.
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Les stalles du chœur : Sculptées dans le bois au XVe siècle, elles présentent des miséricordes finement travaillées, certaines illustrant des scènes profanes et humoristiques.
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Le portail de la sacristie : Chef-d’œuvre du gothique flamboyant, avec tympan ajouré et feuillages sculptés.
Anecdotes et faits insolites
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Une nef sacrifiée aux remparts : La nef projetée aurait exigé la destruction d’une portion importante des fortifications de Narbonne. En pleine période de guerre et de menaces aragonaises, cela fut jugé impensable.
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Une rivalité méridionale : Narbonne voulait surpasser Béziers et Carcassonne par la hauteur et la splendeur de son chœur.
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L’absence de nef donne une perspective inhabituelle : on pénètre directement dans le chœur, ce qui renforce l’effet de verticalité et de lumière.
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Pierre blonde et soleil du sud : La pierre calcaire locale reflète la lumière méditerranéenne, créant un contraste fort entre les ombres des voûtes et la clarté des verrières.
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Un chantier figé : Le projet initial, s’il avait été mené à bien, aurait fait de Narbonne l’une des plus vastes cathédrales de France.
Saint-Just et Saint-Pasteur est toujours un lieu de culte actif, mais aussi un monument emblématique du patrimoine narbonnais. Elle attire chaque année des milliers de visiteurs, séduits par l’ampleur de son chœur et l’atmosphère unique créée par la lumière du sud. Des concerts, expositions et visites nocturnes y sont organisés, tandis que le cloître et le palais archiépiscopal accueillent des événements culturels. Classée Monument historique depuis 1840, elle reste l’un des plus beaux témoignages de l’art gothique méridional, figé dans un état d’inachèvement fascinant.
![]() Une cathédrale sans nef | ![]() L'amorce de la nef jamais construite | ![]() Le choeur et sa verticalié spectaculaire |
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![]() La tour, symbole du rôle défensif de la cathédrale | ![]() Le chevet, typique du gothique méridional | ![]() Le cloître (XIVe / XVIe siècle) |